PNL ou les précurseurs du Cloud Rap français

Véritable phénomène auprès du jeune public, le groupe PNL a rapidement investi la scène rap française. Les deux membres, Ademo et N.O.S. manient un nouveau genre musical, le Sound Cloud. Urban Act’ magazine vous propose de découvrir cet univers assez planant…

La première fois que l’acronyme PNL a été utilisé ce fut en 1972 par John Grinder professeur de linguistique et Richard Bandler, psychothérapeute et mathématicien. La PNL, ou Programmation neuro-linguistique est un ensemble de techniques de communication et de transformation de soi qui s’intéresse à nos réactions plutôt qu’aux origines de notre comportement. Le but final de la PNL étant de construire soi-même un modèle de réussite en observant, comprenant et développant des comportements permettant la réussite dans quelconque domaine. Mais depuis le début 2015, l’acronyme possède une nouvelle définition. PNL est désormais plus connu sous le nom de Peace & Lovés (Paix et billets). Il s’agit d’un groupe de rap français composé de Ademo et N.O.S, deux frères issus de Corbeil-Essonnes (91).

Le phénomène PNL 

C’est en mars 2015 que le groupe français se fait connaître grâce à leur premier EP Que La Famille (QLF). Un projet qui nous plonge directement dans leur univers. Suscitant un véritable intérêt, l’attente fut brève pour avoir le droit à un nouveau projet du groupe. En effet, sept mois plus tard, le 30 octobre, leur premier album Le Monde Chico est disponible, le titre se veut d’ailleurs être une référence explicite au film Scarface.

Cependant, il est difficile de retracer le parcours exact du groupe. En ce qui concerne N.O.S, on ne sait pas grand chose de son cheminement jusqu’à la création du groupe, mais son frère Ademo était déjà visible sur la scène rap, notamment aux côtés de Guizmo lors d’un freestyle, quand celui-ci faisait encore parti de l’Entourage. C’est entre 2011 et 2012, que N.O.S. et Ademo commencent à être connus sous le pseudonyme PNL. Il aura fallu attendre trois ans pour une notoriété à grande échelle. Relayé en masse sur les réseaux sociaux, on se demande donc qu’est-ce qui fait l’originalité de PNL, et comment se démarquent-ils de leurs homologues ?

De la Trap au Cloud 

Même si d’autres s’y sont essayés, on peut dire que Kaaris a apporté la Trap « music » en France avec son album Or Noir (2013). La recette était simple, grosses instrumentales percutantes, un rap saccadé et une simplicité des lyrics. Suite à cela, tous s’y sont mis, de Lacrim à Booba, en passant par Alonzo, mais ce courant a aussi permis à de nouveaux rappeurs de se faire connaître, on pense notamment à Gradur ou bien Niska qui ont explosé les ventes cette année. Bien que la Trap se soit propagée comme un feu de forêt, on sait qu’il ne faut pas abuser des bonnes choses, et on ressent désormais une certaine lassitude à l’écoute de certains morceaux. Au final, on a l’impression d’entendre la même chanson partout.

Depuis toujours, les Américains ont influencé le style du rap français, ce qui ne veut pas dire pour autant que nous plagions constamment nos homologues. À l’instar de Kaaris, qui fut l’un des pionniers de la Trap française, PNL, eux, se sont très vite démarqués du courant en adoptant un style encore très peu connu pour certains, le Cloud Rap.

Made in US

Mais alors, qu’est-ce que le Cloud ? D’après les rumeurs, tout partirait du rappeur californien Lil’ B. En effet, lors d’une interview, il aurait pointé un tableau du doigt ayant pour sujet un château dans le ciel entouré de nuages et aurait déclaré : « Je veux que ma musique ressemble à ça ! ». Pour une première définition, cela reste très flou et vague, et c’est exactement ce qu’est le Cloud rap ! À proprement parlé, il s’agit d’un rap beaucoup plus expérimental où l’on cherche à retranscrire une atmosphère très légère, planante.

Comme chaque nouvelle forme d’art émergente, il est difficile de définir précisément tous les critères qui l’entourent, mais il est toujours possible de regrouper les grands axes. Tout d’abord, le rythme de battement par minute (BPM) est très lent, entre 70 et 90, ainsi l’auditeur a le temps de faire attention à chaque élément sonore qui compose l’instrumental, les notes sont parfois rallongées, et certains bruits, étouffés. Pour vous donnez un aperçu, repensez à la manière dont vous entendez le son lorsque vous avez la tête sous l’eau. Voilà, la sonorité typique du Cloud est une sorte de plongée lointaine où nos sens sont brouillés. On ne sait pas vraiment où l’on va et ce que l’on cherche, mais l’on apprécie l’idée de se retrouver dans une sorte de cocon musical.

Tournons-nous désormais du côté des rappeurs. On peut remonter l’origine du Cloud vers les années 2000. Hélas, dans une époque où le Gangsta Rap était encore très en vogue (50 Cent, The Game, Jadakiss,… ) le cloud s’est fait discret, et même jusqu’à présent, il reste encore en marge du Rap « classique ». Ce qui ne signifie pas que personne n’en fait ! Les premiers noms que vous pouvez connaître sont Lil’ B ainsi qu’Asap Rocky, mais leurs styles varient tellement qu’il nous est donc impossible de les classer en tant que tête d’affiche du Cloud. Pour cela nous devons nous tourner vers des rappeurs dont le nom vous est probablement inconnu, et c’est bien normal. Comme nous l’avons évoqué plus haut, le Cloud se veut être un espace sans limite, sans codes, sans clivages, accessible à chacun, une sorte d’utopie musicale. Si à ce stade d’analyse vous vous sentez encore perdus, laissez-moi vous donnez les points cardinaux qui vous guideront à mieux comprendre où se situe le Cloud, ce château flottant dans le ciel.

On peut tout d’abord évoquer le rappeur Issue. Fils du grand E-40, Issue aurait pu suivre le schéma simpliste du « tel père, tel fils », et pourtant il n’en est rien. « Papa est un grand nom de la scène Old school ? Je vais fonder ma propre école ! », voilà ce qu’aurait pu penser Issue. Son univers est très onirique, une impression constante de vivre dans un rêve. Arborant souvent un masque dans ses clips, ses titres cherchent à évoquer le mystère tel que Don’t Pertube my Fly (Ne perturbe pas mon vol) ou Mask On The Moon (Masque sur la Lune). La simplicité mélangée au mystère, l’une des clés pour comprendre le Cloud.

Si l’on continue sur cet aspect mystérieux du Cloud, on se doit d’évoquer le nom de Bones. Bones est un rappeur âgé de 21 ans, originaire d’Howell dans le Michigan. Actif depuis 2011, il a participé à plus de 40 mixtapes et publié 70 clips. Si l’on se fit à son allure, on pourrait difficilement rattacher Bones à la scène rap, mais on sait qu’il ne faut pas juger les gens sur leurs apparences ! Adepte de l’aspect « rétro », Bones sait mettre en place un ensemble d’éléments qui nous rappelle l’époque des K7 vidéos, des anciennes consoles de jeux, et des clips tournés avec très peu de moyens. Un de ses titres phares s’intitule d’ailleurs Windows 95.

Bones est également connu et reconnu pour n’avoir jamais signé de contrat avec un label de musique, selon lui, il chercherait forcément à en faire l’image d’un « rappeur blanc », comme Macklemore, ou bien MGK. Mais alors qui peut bien écouter cet ovni musical ? Tout simplement le même genre de personne que représente Bones. Bien souvent, il s’agit d’une catégorie d’adolescents et de jeunes adultes cherchant encore à s’affirmer dans un monde de plus en plus complexe où tout s’accélère. La génération Internet. Une jeunesse parfois perdue, qui ne sait pas toujours ce qu’elle veut, mais sait ce qu’elle ne veut pas : être contrôlée et subir la violence du monde dans lequel nous vivons. En cela, bien que Bones ne se décrive pas lui-même comme un rappeur Cloud, il rejoint les thèmes aériens qui sont rattachés au style, on cherche à quitter le monde terrestre pour rejoindre ce château entouré de nuages.

Le mystère PNL… 

Après avoir fait un détour par les États-Unis, revenons sur notre territoire, revenons à PNL. Car oui, en France, PNL est vraiment le premier groupe à avoir popularisé le Cloud. L’exploit qu’ils sont en train de créer est qu’ils se démarquent non seulement de la scène française, mais également de la scène américaine. Il s’agit en effet de la fusion parfaite entre l’univers Cloud (légèreté, flou, lenteur) avec le style généraliste du rap français (drogues, armes, histoires de cités). Ademo et N.O.S. sont capables de toucher tous les horizons. Selon les goûts des auditeurs, les uns porteront leurs attentions aux lyrics, d’autres à la construction de la production, légères touches de pianos, échos, chœurs avec utilisation du vocodeur.

Le site Rap2Tess partageait les clips de PNL en les décrivant comme « les héritiers spirituels de Lunatic. ». Un titre très flatteur n’est-ce pas ? Pourtant, il faut respecter le travail unique accompli des deux groupes, mais on peut effectivement retrouver de nombreux points communs. Premièrement l’aspect très terre-à-terre. Des paroles crues, du vécu et des références à des histoires « suspectes » que seuls PNL ont vécu. On se demande d’ailleurs quelle était la vie des deux frères avant cette notoriété… Un grand mystère entoure PNL. En effet, jusqu’à maintenant, ils n’ont jamais accordé d’interview à aucune radio ou aucun site, le groupe ira même jusqu’à refuser de passer sur Skyrock pour la promotion de leurs albums. Donc qui est, et que veut réellement PNL ? Il ne faut pas chercher très loin, les paroles parlent d’elles-même. En effet, dans Lion, un des derniers titres mis en ligne, Ademo conclut son couplet par « Moi j’fais pas d’feat’, oubliez. Si je pose ma voix sur l’instru c’est juste pour ramener un billet ».

Validés par leurs pairs

Nous sommes face à deux frères ayant exactement la même mentalité. On se surprend même à les confondre à l’écoute des morceaux. Qui est N.O.S.? Qui est Ademo ? Alors qu’ils sont devenus un phénomène auprès du jeune public rap, d’autres rappeurs ont indiqué ce qu’ils pensaient du groupe, à l’instar de Booba. Eh oui, même assis sur le trône de son empire, le Duc continue de surveiller les nouveaux talents français. À propos de PNL, il déclare aux Inrocks : « Ce que j’aime c’est leur état d’esprit. Ce n’est pas la partouze. Ils ne font pas de feat’ avec tout le monde. Ils ne se mélangent pas, comme à l’époque où il y avait Secteur Ä et les grandes familles du Rap. Ils refusent les sollicitations médiatiques, ils n’ont pas été à Skyrock. Ils ont raison. Combien de fois je me suis fait baiser par les médias ?».

C’est donc loin de la presse que PNL évolue. En effet, Ademo et N.O.S. revendiquent fortement l’aspect de leur premier EP Q.L.F. Leurs clips sont à leur image. On retrouve souvent les deux frères en bas des tours entourés de leurs amis, mais pourtant PNL n’hésite pas à aller beaucoup plus loin pour les besoins de leurs clips. On a pu les voir en Islande pour la vidéo de Oh LaLa, mais également en Espagne sur le tournage de J’suis PNL, et enfin en Italie avec Le Monde Ou Rien.

Il semblerait que PNL ait apporté une nouvelle vague dans le milieu du Rap français. Même si le groupe prépare actuellement son second album, il est encore trop tôt pour prévoir s’il continuera à satisfaire pleinement sur les prochaines années. Mais il est certain qu’une nouvelle génération possède désormais une ouverture beaucoup plus vaste que le Rap classique qui a dominé la culture Hip-hop pendant tant d’années. Certes, depuis sa création il existait déjà plusieurs sous-genres de Rap comme le Rap hardcore, le Rap conscient, l’horrorcore, et bien d’autres. Mais ce qui marque la séparation, réside dans le fait que la musique Cloud est capable de créer une symbiose parfaite entre le Rap et d’autres genres de musique, comme si on avait enfin trouvé le « chaînon manquant » du Hip-hop. Les influences sont tellement diverses qu’on pourrait même définir le Cloud comme un style à part entière, une bulle confortable où le temps s’arrête, l’impression d’être en apesanteur, enfermé dans un cocon. On peut le dire, nous nous trouvons bel et bien dans ce château flottant, dans le ciel parmi les nuages. – Aaron.

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