Kering fragilisé par la chute de Gucci

Le groupe Kering subit une nouvelle chute brutale. Bénéfices en berne, ventes en recul, Gucci s’effondre. L’arrivée de Demna à la direction artistique suffira-t-elle à inverser la tendance ?

Le luxe traverse une période de ralentissement, et Kering en subit de plein fouet les conséquences. Sur les six premiers mois de 2025, le groupe a annoncé avoir enregistré un chiffre d’affaires en baisse de 16 %, à 7,6 milliards d’euros, et un bénéfice net qui s’effondre de 46 % pour atteindre 474 millions. Cette dégringolade est largement portée par la mauvaise santé de Gucci, qui reste la principale locomotive du groupe. Ses ventes reculent de 26 %, son résultat opérationnel chute de plus de 50 %, et la dynamique commerciale semble rompue.

Pourtant, Gucci avait tenté une relance en 2023 avec l’arrivée de Sabato De Sarno à la direction artistique, après le départ d’Alessandro Michele. Plus discret, plus minimaliste, De Sarno a rompu avec l’exubérance baroque de son prédécesseur, misant sur une élégance plus sobre et un retour à des codes classiques. Mais ce repositionnement n’a pas généré l’élan espéré, ni sur le plan commercial ni en termes d’image. Moins spectaculaire, sa vision n’a pas suffisamment résonné dans un marché devenu ultra-compétitif, dominé notamment par LVMH avec Louis Vuitton et Dior toujours en progression.

Pour redresser la barre, Kering a opéré un double changement stratégique. D’abord, en nommant Demna Gvasalia, ancien de Balenciaga, à la tête de la création de Gucci. Créateur radical, imprévisible, volontiers provocateur, il est connu pour avoir transformé Balenciaga en phénomène culturel aussi bien qu’en machine à cash. Son arrivée à la tête de Gucci, officialisée en mars 2025, marque une tentative de choc créatif. Mais ce virage peut s’avérer risqué : la clientèle Gucci, plus large et parfois plus conservatrice, acceptera-t-elle une esthétique aussi disruptive ? Les premières collections de Demna, attendues pour l’automne, seront scrutées de près.

Ensuite, Kering prépare une restructuration interne : près de 80 boutiques devraient fermer, dont la moitié chez Gucci, afin de recentrer l’offre et d’optimiser les coûts. Parallèlement, un nouveau directeur général, Luca de Meo, prendra ses fonctions en septembre. L’ancien patron de Renault est censé apporter une nouvelle rigueur industrielle et stratégique, alors que le groupe peine à maintenir son cap face à des concurrents plus agiles.

Au-delà des résultats comptables, la situation actuelle de Kering soulève une question de fond : comment repositionner une grande maison dans un secteur du luxe en mutation, où l’héritage ne suffit plus, et où chaque choix créatif devient aussi un pari économique ? Entre nécessité de séduire une nouvelle génération de clients et fidélisation d’un public historique, la voie du redressement semble étroite. Demna en sera peut-être l’accélérateur. Ou l’électrochoc de trop. – N.C.

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